Avertissement à mes camarades...

Publié le 17 Juin 2014

Depuis bientôt un mois la sphère gauche de la politique nationale phosphore comme jamais depuis la campagne présidentielle pour dénicher des solutions à la double catastrophe électorale que nous venons de vivre. Avec les méthodes de la gauche: crispation sur ses positions et attaques sur sa "droite" (ce qui unit la gauche c'est que chaque chapelle a son bourgeois...). Il fallait s'y attendre, pendant que la "société civile" (que je résumerais caricaturalement comme les non encartés de feu le Front de Gauche) ponds tribune sur tribune (moi même ici), souvent intéressantes, souvent convergentes, les appareils discutent d'alliance électorale pour 2015. Non que cela ne soit pas nécessaire, le cadre de la cinquième République impose de participer aux élections si l'on ne veut pas disparaître. Mais dans la séquence politique entamée au soir du 25 mai 2014 verra inévitablement ces échanges comme des manigances "UMPS" dans un contexte de discrédit politique global. En somme, si ces discussions sont nécessaires, elles doivent rester des échanges techniques loin des médias et des déclarations.

A la lecture des tribunes de blogs, des fils de réseaux sociaux et d'échanges directes qu'entend-on au PG? Un mouvement de radicalisation semble poindre chez mes camarades, fustigeant une éventuelle alliance entre notre parti et Europe-Ecologie comme une alliance avec le social-traitre au prétexte que ce parti a participé au gouvernement pendant deux années. Je tiens à mettre en garde mes camarades sur les risques d'une attitude sectaire qui nous isolerait tels l'extrême-gauche à force de se rassurer sur sa pureté de gauche. Notre mouvement est par essence (le "parti creuset") tiraillé entre sa gauche priorisant le mouvement social et le jusqu'auboutiste et la ligne visant la prise du pouvoir parfois tentée d'aménager discours et programme. Les mêmes débats qu'au PS et que dans tout parti de gauche, rien de très original en somme.

Entendons nous bien, il ne s'agit pas ici de justifier un pragmatisme que nous reprochions au PCF lors de la campagne municipale. La rupture avec la ligne que l'on peut désormais appeler "de droite" du gouvernement doit être claire, franche et sans hésitations. Mais à résumer les partis de la gauche à leur direction et leurs élus, nous risquerions de nous retrouver seuls à prêcher dans le désert, sans espoir de fructifier électoralement, comme l'a démontré l'échec du NPA depuis 5 ans et l'échec du FDG depuis 2012.

Ce que démontre la séquence c'est que le système politique est discrédité, aucunement les idées qui s'y présentent. Ainsi le rassemblement de la gauche doit être celui de ses électeurs (... de ses abstentionnistes!), de ses militants. A ce titre, ne jetons pas d'anathèmes sur l'étiquette de tel ou tel militant. Échangeons avec tous sur une ligne de rupture. A ce titre, la proposition de débat d'EELV au Modem doit être acceptée comme un refus du sectarisme, une main ouverte au dialogue sans préjuger de coups fourrés libéraux qu'elle cacherait. Un message d'ouverture. Personne au PG n'imagine une convergence possible avec les militants du Modem presque essentiellement issus de l'ex-UDF (les quelques arrivées de gauche après 2007 ont probablement disparu depuis). Mais est-ce une raison pour passer pour des idéologues préjugeant avant d'entendre les arguments? La cohérence d'EELV dans la proposition est juste: discussion avec tous ceux qui ont appelé à voter Hollande au second tour. Nous avons perdu des mois dans nos montages politiques bancals et inefficaces, peut-on prendre le risque de poser de telles lignes rouges risquant de braquer nos partenaires? L'enjeu n'est pas le Modem mais la gauche. Laissons le où il est, laissons EELV discuter avec qui ils veulent. Manuel Valls n'a qu'une alternative d'ici 2017: l'union du PS avec le Centre via le Modem. Le parti de Solférino s'enterre tout seul depuis 2012. Laissons le faire et travaillons sérieusement à changer la politique et la République. Nous savons pertinemment que programmatiquement nous sommes très proches d'EELV et le cas Grenoble doit nous le rappeler au quotidien. Nous ne serons jamais d'accord sur tout, mais les militants sont capables de trouver les lignes de convergence au sein de collectifs locaux hors de nos partis respectifs. Il s'agit rien de moins que de refonder sur l'idée originelle du Front de Gauche avant qu'il ne devienne un cartel, un produit politique identifié. Si nous voulons en faire un Front du Peuple il doit se situer hors des partis, en s'appuyant sur des partis, en leur imposant leur audit citoyen, pourquoi pas via des labels, recrédibilisant les formations qui joueront le jeu de la démocratie.

Nous n'avons plus le temps, nous n'avons plus le choix. Chacun a des cadavres dans le placard. L’adversaire c'est la finance, l’adversaire c'est le Parti de Solférino. Ce n'est ni les gens qui ont voté pour lui, ni les gens qui discutent avec lui, ni les gens qui ont travaillé avec lui. N'oublions pas les attaques du FN liant Melenchon et "le stalinisme" ou ceux de notre gauche l'associant aux renoncements mittérandiens et à Maastricht. Si nous demandons le droit à pouvoir évoluer, accordons à nos partenaires ce droit. Positivement et non régressivement.

Rédigé par Sofiène Boumaza

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